Il y a quelques temps, j’ai posté une story sur les positions gênantes dans lesquelles on se retrouve quand on se fait épiler le maillot et plus particulière le SIF1 chez l’esthéticienne (la grenouille, à 4 pattes, toussa toussa). Car oui, je m’épile … Bouuuuh la mauvaise féministe. Je pourrais faire tout un sujet sur la pureté militante et ça arrivera probablement … Mais aujourd’hui on va parler d’autre chose. On va parler du fait que suite à cette story, on m’a mansplainée comme jaja.
Penser à la place des femmes
J’ai reçu des messages de mecs, qui ont OSÉ me dire : “mais pourquoi vous vous infligez ça ? Je comprends pas, les femmes avec des poils sont très belles.”.
L’audace.
On m’a aussi demandé, sur un ton que j’ai forcément interprété comme étant condescendant : “Mais pour qui est-ce que vous faites ça, posez-vous bien la question, pour votre partenaire ou pour vous ?”.
Le culot.
“Je comprends pas comment vous osez cautionner l’épilation alors que vous vous dîtes féministe”.
Là c’était le pompon sur la Garonne. J’ai un peu vrillé, je dois l’admettre, mon sang n’a fait qu’un tour. Alors déjà, 1st thing 1st, je ne réponds plus à ce genre de message. Je ne prends même plus la peine d’éduquer, de répondre, de me justifier.
Oui, parce qu’il s’agit bien de ça, encore une fois, de me justifier. Et c’est hors de question. J’en ai marre de devoir en permanence me justifier, parce que je suis une femme. J’en ai plus qu’assez de devoir rendre des comptes sur mes valeurs féministes à des personnes qui ne le sont pas (mais qui se targuent très certainement de l’être).
Ce genre de réaction, c’est pas possible, il n’y a rien qui va. Ces messieurs n’ont pas à nous dire ce qu’on doit faire. Même s’ils pensent que c’est une bonne chose, ils créent simplement de nouvelles injonctions, ils sont culpabilisants, ils se mettent en posture de “sachant” et c’est infantilisant. Est-ce qu’on vient leur dire nous, comment ils doivent se raser leurs poils de couilles ?
Personnellement je ne le fais pas en tous cas, parce que je m’en fous. Ça ne me concerne pas. Et dans tous les cas, même si je le faisais, les conséquences ne seraient pas les mêmes. C’est incomparable puisque le poids et l’impact des injonctions sur les poils des mecs ne sont pas du tout les mêmes que celles sur les femmes. Quand un mec sera juste peut-être qualifié de “trop poilu”, une femme sera considérée comme sale, se laissant aller, va inspirer du dégoût, j’en passe et des meilleurs.
Et puis on en parle du fait qu’encore une fois, on ne fait pas les choses correctement ? “épilez-vous, on veut pas voir un poil, c’est sale !” “non en fait ne vous épilez plus”. Mais foutez-nous la paix bordel ! Quoiqu’il en soit, c’est très problématique de penser à la place des femmes et de leur dicter leur conduite, ça tend à les infantiliser et ça maintient et entretient le système de domination dans lequel on évolue et dont on tente tant bien que mal de se détacher.
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De l’infantilisation au contrôle du corps des femmes
J’en ai plus qu’assez qu’on dise aux femmes comment elles doivent gérer leur corps. Je ne les ai pas attendus pour me poser ces questions. C’est le fruit d’un long cheminement. Je m’épile parce que je n’arrive pas à me déconstruire, c’est comme ça. Ça changera peut-être, ou pas, mais dans tous les cas ça ne regarde que moi. Certaines femmes m’ont répondu : “au moins pour une fois ça va dans le bon sens”. Non. Le mansplaining, ça ne va jamais dans le bon sens. On a tellement habitué tout le monde à ce que les hommes (en tant que système) aient le contrôle sur le corps des femmes, sur ce qu’elles font, que ça ne choque presque plus quand ils nous commandent. Pourtant c’est bien de ça dont il est question dans le fond : on dit aux femmes ce qu’elles doivent faire. Sauf qu’on est de grandes fifilles on sait ce qu’on fait, on n’a RIEN demandé à personne. Ils n’ont pas à donner leur avis sur le sujet, on ne les a pas sonnés. D’ailleurs, on appelle ça des conseils/avis non sollicités2 et c’est insupportable. C’est le reflet de ce système de domination bien ficelé qu’on appelle “patriarcat” (oui ça y est, je l’ai dit) et c’est un privilège que les hommes utilisent sur les femmes. Vous trouvez ça normal, que je trouve ça reposant quand un homme me dit “je n’ai rien à dire sur le sujet, c’est toi qui es concernée, tu sais mieux que moi.3” ?
Dans mon dernier livre “No Bra, ce que ma poitrine dit de moi”, je me suis entretenue avec Christine Détrez qui est écrivaine, sociologue et enseignante-chercheuse française, rattachée à l'École normale supérieure (ENS) de Lyon. Donc plutôt calée. Je vous partage un extrait de cet entretien qui m’a passionnée et qui reflète parfaitement ce que je pense de tout ça. Je lui ai demandé, pourquoi, selon elle, se permet-on toujours de donner son avis, quand il ne s'agit pas d'avoir des exigences, sur le corps féminin ? Et voici ce qu’elle m’a répondu :
“Quand je pense à la fameuse revendication féministe : « Notre corps nous appartient », selon moi, cela veut bien dire qu'avant, il ne nous appartenait pas. Les remarques sont perpétuelles sur la façon dont les femmes doivent s'habiller, quel corps elles doivent avoir, comment elles doivent le traiter… Cela peut s'expliquer par le fait que, dans ce système de domination masculine, les femmes sont infantilisées. Il faut toujours guider et conseiller les femmes… Et ce dans tous les domaines, pas que sur le corps, d'ailleurs ! J'ai fait ma thèse en sociologie de la lecture ; quand on écoute les discours des bibliothécaires sur les lecteurs et les lectrices, il y a vraiment cette idée qu'il faut guider les choix de lectures des lectrices à la bibliothèque, sinon, elles vont choisir n'importe quoi. Dans l'imaginaire collectif, les femmes doivent être guidées et, de fait, elles sont infantilisées par rapport aux hommes.”
Extrait de “No Bra, ce que ma poitrine dit de moi” de Gala Avanzi - Editions Flammarion
Alors voilà, leur avis, je m’en branle. Dans tout ça, on se fiche de savoir si ce qu’on nous dit est juste ou pas, ce qui pose problème, c’est que des personnes non concernées nous expliquent comment et pourquoi on doit faire les choses alors même qu’on n’a rien demandé. Et ça doit cesser.
Prenez soin de vous ❤️
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Le fameux sillon interfessier, le boule quoi.
Bien sûr les hommes ne sont pas les seuls à donner des avis non sollicités MAIS conseils non sollicités et mansplaining sont intimement liés.
Oui c’est arrivé, je vous l’assure !