#8 Être célibataire à 30 ans quand on est une femme (avec La célibataire la vraie)
« Le célibat c’est comme la vie : parfois c’est très cool, parfois c’est très chiant. »
« Le célibat c’est comme la vie : parfois c’est très cool, parfois c’est très chiant. » Charlotte est la créatrice du compte Instagram lacelibataire_lavraie. A travers son contenu, elle décomplexe et déconstruis les idées reçues et les injonctions qui pèsent sur le célibat des trentenaires (notamment, mais pas que). Parce qu’être célibataire à 30 ans, c’est difficile dans notre société, si tu n’es pas marié·e avec deux enfants, un chien, un CDI et une maison en pavillon … T’as presque raté ta vie.
La pression sociale fait rage et nous pousse à croire qu’on est, quel que soit notre genre mais encore plus en tant que femme, en train de passer à côté de quelque chose, et que l’on ne peut s’accomplir qu’à travers ce schéma bien spécifique du couple dit traditionnel. Alors bien sûr il n’y a aucun mal à s’épanouir dedans, mais en faire une généralité et prétendre que cela convient à tout le monde, ça c’est mauvais.
Nous évoquons dans cet article les normes autour des couples hétérosexuels.
1. Comment as-tu eu l’idée de créer ce compte ?
Quand je me suis fait larguer l’année dernière, les gens ont réagi comme si j’étais malade, tout le monde était inquiet de comment j’allais « survivre » en me retrouvant « seule » à 33 ans. Oui bien sûr, c’est dur une rupture, mais ça va je ne vais pas mourir. J’ai vite réalisé qu’être célibataire à la trentaine, c’était le pire fardeau au monde pour une femme. Ça m’a donné envie de creuser le sujet. Je me suis rendu compte qu’il était finalement peu abordé et quand il l’était, c’était souvent dans le cliché de la fille un peu « fofolle » et hors du cadre ou alors de la nympho. J’ai voulu sortir des clichés parce qu’il y a pire dans la vie que d’être célibataire.
2. Alors pourquoi on se sent si mal quand on est célibataire ?
Depuis toutes petites, je parle notamment des femmes, on nous apprend que rencontrer le fameux prince charmant, être en couple, avoir des enfants, c’est le but ultime de notre vie. C’est seulement quand tu auras coché toutes ces cases que tu seras accomplie. Ça commence dès notre plus jeune âge avec les dessins animés, ça continue dans les séries, les films, les lectures … toutes les filles cherchent des mecs. Et les rôles que peuvent endosser la femme se cantonnent à celui de la séductrice ou de la maman. L’image des femmes célibataires a pendant longtemps été représentée par la sorcière ou encore la vieille fille avec ses chats. Il n’y a quasiment aucun modèle de femmes non accompagnées épanouies. Alors qu’en réalité elles existent, mais on n’en a pas fait des modèles. Ça laisse donc peu de place au célibat et ça sous-entend forcément qu’être célibataire, c’est mal. Ainsi, quand tu grandis en tant que petite fille, tu n'as qu’une chose en tête : tu te dis qu’il faut que tu rencontres un mec, et si tu ne le fais pas, c’est que quelque chose ne va pas.
Quand je me retrouvais en couple, j’avais la sensation d’avoir upgradé ma vie. Combien de fois j’ai entendu « on va enfin pouvoir faire des dîners à 4 ». Comme si les dîners à 3, c’était nul. Je me suis déjà entendu dire qu’il était temps que j’arrête de m’amuser et qu’il était temps que je me pose. Aujourd’hui j’ai demandé qu’on arrête de me poser la question, mais à une période, la première chose qu’on me demandait c’était « alors t’as rencontré quelqu’un ? ». Et si je disais oui, les gens étaient rassurés « enfin ! ». Et pourtant je ne donnais pas l’impression de mal vivre mon célibat … Longtemps j’ai pensé que c’était quelque chose qui venait des générations d’avant. Mais c’est toujours très ancré chez les trentenaires d’aujourd’hui.
Alors cette pression autour du célibat, elle est plus ou moins insidieuse mais elle vient des autres, de la société et nous on intériorise tout ça … C’est normal qu’on se sente à côté de la plaque, toutes ces petites choses qui semblent anodines, quand on les met bout à bout, ça fait mal.
« C’est tellement révélateur qu’en Français, on dise qu’on est « seul·e » quand on est célibataire ou hors du couple – comme si toutes nos autres relations, affectives, sexuelles, amicales, familiales, comptaient pour rien. Dans une culture encore très patriarcale, les femmes sont censées se réaliser à travers la conjugalité avec des hommes et la maternité. Pourtant, le célibat peut être un vrai choix, une situation qui nous permet de nourrir toutes sortes de relations importantes - y compris celle qu’on entretient avec soi-même. »1
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3. Le célibat est donc tabou ?
Oui, le célibat est encore traité de manière taboue. Déjà, il y a peu de contenu à consommer sur ce sujet. Et même s’il y en a de plus en plus (je pense notamment aux travaux de Mona Chollet, Victoire Tuaillon …), ça reste très confidentiel et très cantonné au milieu féministe. Dès que je parle de mon compte, même moi, qui pourtant assume mon célibat, j’ai l’impression de dire un gros mot. Il y a toujours ce côté « pauvre fille », alors même que je l’assume et je le revendique, mon célibat. Mais je sens le jugement. Je me surprends moi-même à préciser que mon compte parle de « relations ». C’est comme si le couple te validait socialement, comme s’il y avait une échelle sociale des relations : le couple marié, le couple qui vit ensemble, ceux qui ne vivent pas ensemble, ceux qui sont ensemble depuis longtemps, et tout en bas de l’échelle, il y a les célibataires et surtout ceux qui le sont passés 30 ans.
4. Quelles sont les injonctions et les clichés que subissent les célibataires ?
Il y en a beaucoup et la liste n’est pas exhaustive mais en voici quelques-unes. Quand tu es célibataire, tu dois tout le temps avoir quelque chose à raconter. Mais quelque chose à raconter autour de ta vie sentimentale, évidemment. Et quand tu n’as pas d’histoire de mecs, tu sens que les gens sont déçus. Pourtant ça ne veut pas dire que rien ne se passe dans ta vie.
Et puis surtout, tu dois toujours être disponible et vouloir sortir tout le temps, puisque tu es censé te sentir seul·e vu que tu es célibataire. Ainsi, tous les célibs sont censés être des fêtards. Au travail aussi, tu dois être disponible, surtout quand tu n’as pas d’enfants. Tu dois pouvoir venir plus tôt, finir plus tard, rester pour la réunion, tu n’es bien souvent pas prioritaire pour les vacances. Si ton temps n’est pas consacré à un autre être humain que ton partenaire ou ton enfant, tu es forcément disponible pour tout le monde, tout le temps, tout de suite, et tu passes après les autres.
5. Vois-tu une différence de traitement entre les femmes célibataires et les hommes célibataires ?
Bien sûr, les femmes célibataires et les hommes célibataires sont traités différemment. Parce qu’à l’injonction au couple s’ajoute l’injonction à la maternité qui pèse très lourd sur les femmes autour de la trentaine. Les hommes vont avoir des remarques bien sûr, mais il n’y aura pas le côté « horloge biologique ». Je généralise mais par exemple dans ma famille, aux femmes on va toujours demander « quand est-ce que tu ramènes quelqu’un ? », (sous-entendu : dépêche-toi), alors qu’aux mecs, on leur dira plutôt « il profite, il a raison, il a le temps ». On a beaucoup d’attentes après les femmes. Parce qu’on a toujours cette idée, dans l’imaginaire collectif, que pour qu’une femme soit complète, il faut qu’elle ait quelqu’un. Alors bien sûr je ne dis pas qu’aucun homme ne subit la moindre pression, mais chez un mec, oui c’est mieux s’il a quelqu’un mais s’il est célibataire c’est moins grave. Pour une femme, se démerder seule ça semble compliqué. J’ai eu droit au cliché du vendeur chez Leroy-Merlin quand j’ai acheté mon appart « et du coup votre conjoint … », « non je n’ai pas de conjoint … », et lui étonné et presque inquiet « mais vous allez faire les travaux toute seule ? ». Oui, ça devrait aller, le pénis2 n'est pas obligatoire pour mettre du parquet. Un mec est censé être autonome et pas une femme. Alors qu’en réalité c’est plutôt l’inverse, quand on sait toute la charge mentale que subissent les femmes dans le couple.
6. Quels sont les avantages au célibat ?
Avant tout, on me demande souvent si je suis anti-couple, ce n’est pas le cas. Je ne dis pas qu’être célibataire est mieux qu’être en couple. Je dis juste qu’il n’y a pas de modèle idéal et qu’il faut sortir de cette idée. L’un n’est pas mieux que l’autre.
Je suis célibataire par choix depuis 2 ans. Je n’ai pas envie de m’occuper de quelqu’un d’autre. J’ai besoin de m’occuper de moi-même, alors que dans mes dernières relations je m’occupais de mon mec avant tout. Donc j’ai envie de me concentrer sur moi. J’ai accompli plein de projets en étant célibataire, et malheureusement, je ne pense pas que je les aurais réalisés si j’avais été en couple. Nous avions le projet de faire un enfant avec mon ex, ce qui impactait mon avenir professionnel puisque je me disais que je n’allais pas quitter mon CDI … Donc quand j’ai rompu, l’idée de faire un enfant n’étant plus dans mes projets, j’ai pu prendre plus de risques et notamment monter ma boîte. Et puis le couple traditionnel est très normé aujourd’hui, on met tellement de règles qui sont restrictives, alors qu’elles ne devraient pas forcément exister. Donc quand tu es célibataire tu n’as plus toutes ces règles et tu peux te permettre plus de choses. Comme de voyager plus loin, ce que tu ne fais pas forcément en couple parce que les relations à distance sont soi-disant compliquées. On peut aussi se taper qui on veut quand on veut, sans dire que c’est forcément ce qu’on doit faire … Mais si on veut, on peut le faire.
Et ce que j’apprécie le plus, c’est que tu sais tout faire par toi-même. Et même si je m’appuie aussi beaucoup sur mes ami·e·s et ma famille, j’ai appris à tout faire toute seule. Tu gagnes en indépendance et en autonomie, tu sais que tu peux vivre sans l’aide de personne et c’est gratifiant. Et paradoxalement, si à un moment tu as envie de te mettre en couple, ça te permet de mettre moins d’attentes et de pression sur la personne en face de toi.
7. As-tu un petit mot ou un conseil à quelqu’un qui se retrouverait célib à 30 ans et qui est complètement largué ?
Il est important de changer sa perception du célibat, ce n’est pas grave d’être célibataire. Moi-même j’en avais une mauvaise image, j’étais malheureuse mais parce que ma perception n’était pas la bonne. J’avais cette impression que quand je serais en couple tout irait bien. Et un jour j’ai changé cette perception et je me suis rendu compte que ma vie était cool, c’est juste que je la voyais de façon négative parce que j’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose en n’étant pas en couple. Changer sa perception passe par plein de lectures, on peut même entreprendre une thérapie, quoiqu’il en soit ça prend du temps … Mais quand on y arrive ça change tout et on gagne en sérénité. Il existe tout un monde à explorer en dehors du couple et il peut être vraiment cool !
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🗓 RDV mardi 16 août pour la prochaine newsletter “Seins et censure : Topless aux Etats-Unis, on m’a demandé de me rhabiller” !
Extrait du livre Le Coeur sur la Table de Victoire Tuaillon.
Parce que dans les clichés, il s’agit bien évidemment d’hommes hétéros cisgenre.