C’est assez rare que je me livre sur ma vie amoureuse. Je suis assez pudique … Et puis il faut dire que j’avais pas grand-chose à vous raconter. J’étais en couple depuis longtemps. Très longtemps. Et je me suis retrouvée célibataire il y a quelques mois. Et alors j’ai découvert Tinder. Et alors je me suis découverte sur Tinder. Et je crois que maintenant, j’ai quelque chose à vous raconter.
La première fois que j’ai installé Tinder, c’était pour rire, pour voir. J’étais avec une amie et ça nous faisait marrer. Quand je me suis mise en couple, il y a bientôt 12 ans (oui je vous ai dit que c’était y a longtemps), Tinder n’existait même pas. Alors je regardais mes ami·e·s d’un œil presque envieux swiper à gauche, swiper à droite, parfois en haut (le fameux superlike).
Quand j’ai installé Tinder, dans le pays où j’étais, la plupart des utilisateur·rice·s s’en servaient pour rencontrer des ami·e·s, l’ambiance était assez chill, bon enfant. Bienveillante. Oui, j’ai employé le mot « bienveillante » pour qualifier Tinder. J’ai osé ! Mais ça n’a pas duré (quel choc n’est-ce pas ?) ! J’ai changé d’endroit … Et … ça s’est dégradé.
De notre vision d’appréhender les relations
Mais avant tout, je me suis rendue compte d’une chose … C’est que certains mecs (je suis hétéro, so far), que je rencontrais en vrai et que je trouvais très intéressants et avec qui j’aurais potentiellement pu envisager quelque chose … Ces mecs-là, hé bien figurez-vous que je les aurais swipés à gauche sur Tinder (j’aurais dit nope quoi). Parce qu’en photo, « ils rendaient » moins bien. Alors je sais ce que vous allez me dire, d’ordinaire c’est plutôt le problème inverse qui se produit … Mais il n’empêche, on est tellement plus que des photos : le charisme, le charme, la gestuelle, toutes ces choses si importantes … ça se révèle pas en 3 photos ça ! D’ailleurs, peut-être que ces mecs qui paraissent beaucoup plus beaux en photos qu’en vrai, si on n’avait pas eu cet « élément de comparaison », si on les avait d’abord rencontrés dans la vraie vie, peut-être qu’on aurait tout de même été attiré·e·s par eux. Alors j’ai vraiment pas aimé ce que cette application a fait de moi. J’ai pas aimé ce que cette application fait de nous.
Peut-être que c’est ma façon d’appréhender les relations qui ne « fit » pas avec Tinder. Je ne cherche pas de coups d’un soir. Sans parler de love story hein, perso j’ai besoin de partager quelque chose avec la personne, qu’on soit « potes », qu’on ait une connexion. Alors oui, peut-être que Tinder n’est pas fait pour moi. D’ailleurs, croyez-le ou non, c’est un excellent outil pour apprendre une langue étrangère, j’ai fini par l’utiliser pour apprendre à parler Espagnol et Italien ! Oui, définitivement, je crois que ma vision des relations ne fit pas avec Tinder. Mais finalement, est-ce que c’est bon pour qui que ce soit ?
Tinder 1 - Confiance en soi 0
Parce qu’au final, j’ai réalisé que ça pétait notre confiance en nous, au même titre que les réseaux sociaux le font. Bordel, faut qu’on arrête de nous foutre des échelles de valeurs, c’est plus possible. Et le documentaire « Derrière nos écrans de fumée » explique très bien ce mécanisme : à quel point l’estime de soi et notre validation sociale dépend des likes qu’on reçoit sur les plateformes. Et “on confond ça avec les vraies valeurs et la vérité”. On prend ça pour argent comptant. Alors, t’as pas assez de superlikes, t’as pas assez de matchs, t’as pas de profil 99+ ? T’es relégué·e au rang de « match Tinder », t’es même plus une personne. T’es déshumanisé·e. Je me souviens d’un mec avec qui je discutais, très sympa … Jusqu’à ce qu’il me demande ma taille, il s’est avéré que j’étais plus grande que lui. Il m’a répondu « ma future femme, il faudra qu’elle soit plus petite que moi, mais là, c’est différent ». Mais c’est différent de quoi ? Je suis quoi au juste pour toi ?
Non stp, réponds pas.
J’ai détesté voir dans des descriptions, que des mecs n’acceptaient pas les fumeuses. Ouais ok je comprends que ce soit rédhibitoire, mais de là à le foutre dans ta description1 ? Genre, si t’es en train de lutter pour arrêter de fumer mais que t’y arrives pas, il se passe quoi ? Y a plus de place pour la demi-mesure. Pour la nuance. C’est tout ou rien. J’ai haï de voir des « je suis INFJ mon cul, alors c’est mieux si t’es une ENTP2 » (mon cul, c’est moi qui l’ai rajouté). Je suis aussi tombée une fois sur un profil « pas de néo-féministes », j’ai failli le tenter, pour rire, et puis j’ai eu la flemme. J’ai été super choquée de voir des « Je mesure 1.83, je précise puisqu’apparemment ici c’est important ». Et d’ailleurs, comme je vous l’ai dit, on m’a demandé à plusieurs reprises si je n’étais pas « trop grande ». Mais je suis « trop » rien du tout, merci.
Mona Chollet évoque cette problématique de la taille dans son dernier livre “Réinventer l’amour, comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles”. Elle revient sur ces fameuses photos de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, sur lesquelles, bien qu’elle soit plus grande que son mari, Carla Bruni apparaît toujours “en position d’infériorité, dans des postures suggérant la soumission ou la fragilité” par rapport à celui-ci. Puis elle ajoute :
“L’infériorité féminine est comme encapsulée dans notre imaginaire amoureux. A commencer par une infériorité littérale, immédiatement visible : dans un couple, l’homme doit être plus grand que la femme. “La vie en couple est moins fréquente parmi les hommes de petite taille, indique le sociologue Nicolas Herpin. Cette situation n’est pas due à leur condition sociale. Bien que les ouvriers soient en moyenne plus petits que les cadres, les effets de la taille sur la mise en couple sont de même intensité dans ces deux milieux sociaux.” Cet écart est recherché par les hommes, mais, semble-t-il, davantage encore par les femmes. Miriam, jeune femme mesurant 1,82 m, raconte comment un homme avec qui elle avait rendez-vous a blêmi au moment où elle s’est levée : “il ne m’a jamais rappelée.” Certains de ses petits amis lui ont demandé de ne pas porter de talons, mais elle a refusé “Maintenant c’est une sorte de protestation. Je ne veux pas me faire petite.”
Les applications de rencontres feraient-elles le jeu du patriarcat, perpétueraient-elles des rapports de domination / soumission au sein de nos relations intimes ? Il semblerait bien … Et d’ailleurs, c’est ce que révèle la journaliste Judith Duportail dans son livre “L’amour sous algorithme”, en effet, l’algorithme de Tinder placerait les femmes dans une posture bien particulière, elles devraient être plus jeunes que leur match potentiel, gagner moins d’argent, être moins expérimentées, moins diplômées 3… Comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? Comment voulez-vous bâtir des relations saines sur de telles bases ? Ça relève de l’exploit !
Et Bumble …
Et puis on m’a parlé de Bumble, on m’a dit que c’était mieux. J’ai donc testé Bumble. Et je crois que j’ai trouvé ça pire. J’ai été hyper mal à l’aise.
Sur Bumble, tu peux filtrer selon ce que tu veux ou ne veux pas. Mais attendez, ça veut dire qu’il faut ENCORE UNE FOIS qu’on sache ce qu’on veut ? Moi j’en sais rien ! Foutez-moi la paix, je sors de plus de 11 ans de relation. J’en ai strictement aucune idée.
Et donc, tu peux remplir ton profil selon tes « critères », ton signe astro, ton bord politique, ta religion, si tu fumes ou pas, si tu veux des enfants, blablabla.
En fait faut encore qu’on coche des cases. Et ça me saoule. J’ai pas envie d’être une p*tain de liste. J’ai envie qu’on m’apprécie pour mes défauts. Qu’on fasse avec. Parce qu’on est tous·tes humain·es. Il faut arrêter de voir l’autre comme quelqu’un qui va cocher des cases qui vont permettre de combler un vide en nous. Mais plutôt quelqu’un avec qui on va passer un bon moment, pendant plus ou moins longtemps. La vision du couple dans notre société est vraiment pétée. Et les applications de rencontre en sont le reflet et pire, ne l’ont vraiment pas arrangée. On nous a fait perdre toute spontanéité, toute nuance, toute capacité d’acceptation de l’autre … Je crois que c’est ce qui me chagrine le plus.
Alors oui, j’ai rencontré des mecs hyper intéressants sur Tinder. Heureusement. Mais il semblerait que j’ai eu beaucoup de chance.
Juste une chose, svp, ne mettez pas que vous aimez le reggaeton dans vos descriptions, ça c’est vraiment rhédibitoire. SVP, de manière générale, n’écoutez pas de reggaeton sauf si vous êtes vraiment bourré·e·s. (Just kidding … Ou pas)
Les 16 profils de personnalité, je n’ai aucune idée si ces profils sont compatibles ou non, j’ai mis ça au pif.
https://www.konbini.com/fr/techetinnovation/interview-comment-lalgorithme-de-tinder-entretient-le-patriarcat/
Haha j'avais du temps a tuer j'me suis di je vais passer te lire , ta raison sur le fond , mais bon c'est le reflet du monde actuel ou les gens sont de plus en plus superficiel et basé sur leur image théorique ....
Mais je m'attendais a des anecdotes plus marrantes ^^