#2 Body Positive et normes de beauté (avec La Renarde Bouclée)
Body positive, normes de beauté, milieu de la mode, corps post-partum et rapport au corps ...
La Renarde Bouclée est une illustratrice et autrice (autrement dit, illustrautrice), jeune maman de 29 ans, dont le travail porte principalement sur le Body Positive et la sexualité positive. Elle a récemment sorti un Oracle intitulé “L’Oracle des corps libérés” aux éditions First, qui appelle à la célébration du corps dans tous ses états.
Dans cet entretien, elle nous raconte en quoi ça consiste, le body positive, elle nous parle des normes de beauté, du milieu de la mode dans lequel elle a travaillé pendant des années, de son corps post-partum et du rapport au corps de manière générale.
1. Qu’est-ce que le mouvement Body Positive ?
C’est un mouvement lancé aux États-Unis en 1996 par Connie Sobczak et Elizabeth Scott qui encourage à l’estime de soi et à l’acceptation de toutes les morphologies. Ce courant a explosé ces dernières années sur les réseaux sociaux et a permis de donner de la visibilité à la diversité des corps et principalement aux personnes grosses. Car ces dernières continuent d’être invisibilisées et discriminées par la société car elles ne correspondent pas à la norme et aux diktats de beauté.
2. Qu’est-ce que la norme aujourd’hui ?
Les podiums de modes, les magazines et la pop culture, mettent en avant principalement des corps minces, jeunes, valides, à la peau lisse et blanche, créant ainsi une norme de beauté comme seule vérité et idéal à atteindre. Ces modèles sur papier glacé nous font souvent oublier qu’ils ne sont pas représentatifs des personnes de la vraie vie. Quand on sait que la taille moyenne des Françaises est le 42, on est bien loin du 34 des mannequins … Et puis cette norme s'immisce dans les moindre détails de notre peau, puisque toutes les variations et les irrégularités sont gommées grâce aux retouches photos, au maquillage, aux jeux de lumières ou grâce à la chirurgie esthétique. Mais en réalité, nous avons toutes et tous des pores, des poils, des cicatrices, des taches, de la cellulite, des vergetures, des plis, etc. Le corps n’est pas figé. Il vit, bouge, grandit, grossit, vieillit et il n’y a aucune honte à avoir de cela. C’est ça la norme et la vraie vie !
3. Comment en es-tu venue à ce mouvement et à dessiner sur ce sujet ?
J’ai travaillé dans la mode pendant plusieurs années et j’ai été témoin de la grossophobie, du sexisme, du racisme qui infiltrent toute l’industrie de la mode, de la plus petite marque aux gros dinosaures du luxe. Toute cette industrie est pensée pour les personnes minces. Les standards des tailles, des patrons en couture, des mensurations des mannequins sont toujours basés sur une silhouette filiforme. Et lorsque sur les podiums vous ne voyez que de grandes femmes minces, que dans les boutiques les tailles de vêtements s'arrêtent au 42, que les panneaux publicitaires ne vous montrent que des femmes aux corps minces et musclés, vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que vous n'êtes pas dans la norme si votre morphologie n'est pas celle là. Ce sont des injonctions vraiment systémiques, que tout le monde a intégrées comme la norme et comme seule incarnation de la beauté universelle !
Et puis ça va plus loin, comme par exemple modifier l’étiquette de taille sur une robe pour une cliente pour ne pas qu'elle sache qu'elle fait un 44 au lieu du 40 indiqué, ou encore des réflexions grossophobes sur des clientes VIP qui faisaient du 50 : "On est en train de lui construire une tente non ?“. On comprend mieux dans ce contexte là que les personnes qui ne correspondent pas à la "norme" sont complètement exclues et malheureusement aussi discriminées ... Alors quand j’ai quitté mon job en 2019 et que je me suis lancée comme illustratrice, j’ai eu envie de montrer toute la diversité des corps et principalement des femmes, puisque c’est sur elles que reposent les plus grands diktats. J’avais envie de rendre hommage à toutes ces personnes qui ne voient jamais leurs morphologies sur les affiches des arrêts de bus, pour qu’elles puissent se sentir plus légitime et moins seules.
4. Quel est ton rapport à ton corps de manière générale ?
On est plutôt copains lui et moi. Il me permet de vivre plein de choses cools et je le laisse tranquille la plupart du temps. Mais j’ai longtemps eu honte de ma petite poitrine, de mes cheveux bouclés, de mon eczéma, de mes poils, de ma petite taille, … Alors pour prendre du recul je l’ai laissé tranquille pendant plusieurs années. Plus de soutien-gorge, plus de maquillage, plus de brushing, plus d’épilation. Et je me suis rendue compte que ça ne m’empêchait pas de vivre et de profiter !
5. Comment as-tu vécu les changements de ton corps pendant et après ta grossesse ?
Les premiers mois, j’ai adoré voir mon corps changer, je trouvais ça incroyable toute cette mécanique qui se mettait en place pour accueillir la vie. Ce ventre qui grossissait à vue d’œil me faisait rire. Mais à la fin, j’avais des douleurs nuit et jour, je ne pouvais plus me déplacer sereinement, donc je n’avais qu’une hâte : retrouver mon corps en solo. Et puis le post-partum arrive avec ventre mou, seins asymétriques, cicatrice de césarienne, il lui a fallu du temps pour reprendre ses quartiers. J’ai un peu évité les miroirs pendant quelque temps ... Alors pour me mettre un peu de baume au cœur et au corps, j’ai laissé le maquillage et la mode réinvestir mon quotidien. Je vois plutôt ces artifices comme des petits coups de pouce, que comme des obligations pour sortir de chez moi. Je le fais quand j’en ai besoin, pour moi seule. Et ça m’a appris que l’acceptation de soi, ce n’est pas figé et que l’apprentissage peut se faire à toutes les étapes de vie !
6. Comment fait-on pour célébrer son corps qui ne correspond pas à la norme ?
Se laisser du temps, écouter ses envies, s’accorder des moments en solo pour faire des choses qui procurent du plaisir et puis s’éloigner un maximum des personnes, virtuelles ou réelles, qui nous mettent le moral dans les chaussettes. Car s’entourer de personnes bienveillantes, rejoindre un groupe de discussion, consulter un·e professionnel·le de santé, ça peut faire beaucoup de bien. Et puis comprendre que la confiance en soi n’est pas innée, que ça s’apprend, que c’est long et qu’il y aura des jours plus difficiles que d’autres. Mais surtout que la norme qui nous est imposée est un mirage qui amène de la souffrance et des privations. Alors qu’on est bien plus qu’un corps, qu’un physique, qu’une taille de vêtements !
7. Parle-nous un peu de l’Oracle des corps libérés, qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?
C’est un outil d’introspection dans la même lignée que le développement personnel, pour apprendre à voir son corps avec plus de bienveillance. Il n’a pas de dimension divinatoire comme le tarot. Le but est de tirer une ou plusieurs cartes au hasard qui délivrent un message à travers des affirmations, des conseils, des pistes de réflexion. Il peut être utilisé à n’importe quel moment : que l’on ait une question précise, que l’on ait besoin d’un conseil, que l’on soit dans une période de doute ou de choix à faire. On peut tout à fait effectuer un tirage et faire sa propre interprétation en fonction de ce que les cartes réveillent en nous, ou alors s’appuyer sur le livret d’interprétation qui donne des mantras et des petits exercices supplémentaires. Prendre du repos, remercier son corps, lister ses réussites, faire face à ses peurs, demander de l’aide, etc., voilà quelques clés présentes dans cet oracle qui peuvent vous guider vers une plus grande confiance en vous !
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