#17 Boire comme une gonzesse
Parce que je suis une femme, entre alcool(isme) et sexisme.
C’est pas féminin de boire, bières de filles et autres alcool de meufs … L’alcool est empreint de clichés sexistes dont les effets sont dévastateurs … Et si on en connait les principaux dangers, notamment l’alcoolisme, on ne soupçonne pas toujours à quel point il est finalement surtout dangereux pour les femmes.
La consommation d’alcool, et particulièrement en France, est quelque chose que l’on a complètement banalisé, voire glamourisé. C’est festif, c’est normal de boire, c’est d’ailleurs souvent l’inverse qui est considéré comme marginal et même “subversif”. C’est ce que dénonce Claire Touzard dans son ouvrage “Sans alcool”. La pression sociale autour de l’alcool est très forte. Pourtant, ingurgiter ce liquide pétillant ou plat, rouge, jaune ou translucide, à savourer ou cul sec est finalement loin d’être anodin et à bien des niveaux …
Alcool et violences faites aux femmes
Dans 55% des cas de féminicides1, au moins un des deux, agresseur ou victime, était sous l’emprise d’une substance telle qu’alcool, stupéfiants ou médicaments psychotropes.
Le risque d’agression physique est multiplié par 8 les jours où l’homme consomme de l’alcool.
La probabilité d’apparition d’agressions graves est multipliée par onze les jours de consommation d’alcool.
Plus de 60% des épisodes agressifs se produisent dans les deux heures qui suivent les consommations masculines.
Chez les femmes vivant en couple avec un consommateur dépendant, le risque de subir des violences est trois fois plus important que dans la population générale2.
On constate donc que l’alcool est un facteur très important dans les cas de féminicides et de violences faites aux femmes, sur lequel il est nécessaire d’agir. D’une part, il est primordial d’apporter du soutien au proches de malades alcooliques. D’autre part, mettre en place des actions contre l’abus d’alcool comme réduire d’1h30 l’ouverture des bars le soir (en Australie) ou des lieux de vente d’alcool (au Brésil) a engendré une diminution des violences de tous types3.
Alcool et “passage à l’acte” sont étroitement liés. Ainsi, sa consommation n’est pas seulement dangereuse pour la personne qui souffre d’alcoolisme, mais aussi pour son entourage, et on réalise que bien souvent, ce sont les femmes qui en font les frais.
Ceci étant dit et si l’alcool est bel et bien une circonstance aggravante des violences faites aux femmes qu’il faut prendre en compte, n’oublions pas que le principal fautif, c’est celui qui commet les violences, pas l’alcool. Le but n’est donc pas de déresponsabiliser l’agresseur, mais de comprendre son profil et les facteurs pour adapter les solutions et ainsi diminuer les violences.
Boire comme une gonzesse
Dans la plupart des cas, quand un serveur apporte une bière et un verre de vin à un couple composé d’un homme et d’une femme, il tendra instinctivement le verre de vin à la femme, et la bière à l’homme, un demi de bière à la femme, une pinte à l’homme … L’alcool et l’alcoolisme souffrent de nombreux stéréotypes de genre. Cela commence avec “l’alcool de gonzesse” et la fameuse idée selon laquelle certains alcools sont réservés seulement aux femmes. Comme par exemple la bière aux fruits rouges estampillée “bière de filles”.
Et d’autres, seulement aux hommes. Ainsi, dès qu’un alcool est considéré comme “fort” il sera destiné aux hommes, aux “vrais”, qui eux seuls peuvent le gérer alors que les femmes sont considérées comme étant trop fragiles. Ce n’est donc pas “féminin” de boire, ce ne sont pas des manières.
Et puis ce n’est pas le rôle des femmes de boire de toute façon. En effet, les femmes sont toujours cantonnées à la maternité. Et maternité et alcool ne font pas bon ménage, de la grossesse à l’éducation des enfants. Dans l’imaginaire collectif, une femme est donc moins prédisposée à boire qu’un homme, ce n’est pas compatible avec l’injonction à la maternité.
Picoler, consommer de l’alcool, est ainsi moins bien perçu chez une femme que chez un homme.
Les femmes, conditionnées et imbibées de ces injonctions, vont ainsi être plus enclines à culpabiliser et à se sentir honteuses lorsqu’elles boivent, et vont ainsi le faire de manière beaucoup plus discrète, et surtout seules. L’estime de soi est plus faible chez les femmes alcooliques que chez les hommes alcooliques4. Face à l’alcoolisme, les enjeux sont donc bien différents si l’on est une femme ou si l’on est un homme. Cela engendre une inégalité en termes de prise en charge de la maladie parce qu'une femme alcoolique est plus difficilement “repérable” par les centres de soins spécialisés.
A bien des niveaux, alcool et alcoolisme sont destructeurs pour les femmes, qui subissent inégalités et injustices sexistes jusque dans la maladie.
A lire : Sans alcool de Claire Touzard paru aux éditions Flammarion
“La définition généralement admise du féminicide est l’homicide volontaire d’une femme, mais il existe des définitions plus larges qui incluent tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu’elles sont des femmes.” d’après la World Health Organization (WHO).
https://sante.lefigaro.fr/article/violences-contre-les-femmes-n-oublions-pas-le-role-de-l-alcool/
https://www.lepoint.fr/societe/alcool-et-violences-conjugales-c-etait-une-creme-quand-il-ne-buvait-pas-21-10-2019-2342562_23.php#11
L’image de soi de l’alcoolodépendant à travers l’échelle Tennessee du concept de soi - Aubry, 2004.