#12 Hum hum, et si on parlait de sexe ? (avec Chloé Thibaud)
"Mes parents m’ont expliqué ce qu’était le 69 quand j’avais 8 ans." Dans ce billet intime, Chloé nous raconte son rapport à la sexualité, d'éducation sexuelle, de consentement et de porno !
🤫 Et si on parlait de sexe ? Dans son dernier livre Hum Hum paru chez Webedia le 15 septembre et qui s’adresse aux 12-20 ans, Chloé Thibaud, journaliste et autrice, nous raconte tout ce qu’on doit savoir sur le sujet ! L’éducation à la sexualité chez les plus jeunes est un sujet tabou, pourtant il est nécessaire … Dans ce billet intime, Chloé nous raconte son rapport à la sexualité, ce qui manque dans l’éducation sexuelle chez les jeunes, elle nous parle de consentement, de porno ou encore de slutshaming !
L’éducation sexuelle, la grande absente des programmes scolaires
L’éducation sexuelle n’est pas assez présente dans les établissements scolaires. D’une part, malgré l’article L312-16 du code de l’éducation prévoyant “une information et une éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles“, force est de constater que ce n’est pas le cas (partout) ; d’autre part, en 2016, une enquête du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes révélait qu’un quart des filles de quinze ans ignorent qu’elles possèdent un clitoris. Je me suis aussi aperçue que le mot consentement était absent de la page consacrée à l’éducation sexuelle sur le site du gouvernement Français. Ces constats sont alarmants. La notion de “consentement“ doit être vue, revue, et rerevue. Il n’y a qu’en l’inscrivant avec insistance dans le crâne des nouvelles générations que nous pourrons voir diminuer les violences sexistes et sexuelles. En tout cas, c’est ma conviction.
Parce qu’il n’est jamais trop tôt pour parler de sexualité …
Il n’est jamais trop tôt pour éduquer aux différentes questions liées à la sexualité. Par exemple, le consentement justement peut être abordé dès le plus jeune âge : quand un parent “force“ son enfant à faire un bisou à quelqu’un, que ce soit la grand-mère ou un collègue croisé dans la rue, il ne respecte pas son consentement. Vers 3-4 ans, on peut tout à fait expliquer à son enfant que les gens doivent demander s’ils peuvent nous faire un bisou, un câlin, nous caresser le visage, les cheveux - et plus important encore, qu’on a le droit de dire “non“ et que ce “non“ doit être respecté. Mes parents m’ont expliqué ce qu’était le 69 quand j’avais 8 ans. Bien sûr, ils ne m’ont pas montré un film porno ! Ils m’ont fait un petit dessins - j’étais trop jeune pour comprendre réellement, mais je n’ai plus posé la question, j’ai été satisfaite qu’on m’explique. Il faut être à l’écoute de son enfant, ne pas le prendre pour un “bébé“ quand il nous interroge et ne pas hésiter à chercher les bonnes ressources pour trouver nos réponses.
Dans le livre Hum Hum, le parcours est progressif : la première partie parle de “soi“, de ce qui se passe à la puberté, de la découverte de notre sexualité, de l’adolescence… Ce n’est qu’à la fin de l’ouvrage que j’aborde concrètement les positions sexuelles. L’idée est d’y aller pas-à-pas et d’accompagner l’évolution des lecteurs et lectrices. Avant 11 ans, on ne se sent peut-être pas encore assez concerné par mes propos. Après 20 ans, on a peut-être envie d’aller encore plus loin. C’est une indication, tout le monde est libre d’aller à son rythme. On peut “picorer“ dans le livre, ne pas “passer à la pratique“ tout de suite…
La sexualité, le sujet tabou par excellence
Si la notion varie selon les personnes, la sexualité reste quelque chose d’intime. Aux seins de nos sociétés judéo-chrétiennes, la sexualité est aussi liée à la honte. La conjonction de l’intime et de la honte crée ce tabou. Or, cela ne devrait pas être un tabou ! Dire ça, ça ne veut pas dire qu’on doit parler de “notre“ sexualité à tout le monde, à ses parents, ses amis, sur nos réseaux sociaux : non. Ça veut dire qu’on peut parler “de“ sexualité, “de“ sexe et même qu’il est important d’en parler, parce que cela fait partie de nous quasiment au même rang que l’alimentation et le sommeil ! Cela rejoint la question des règles qui est encore un tabou pour de nombreuses jeunes filles. Lorsqu’il y a tabou, il y a manque voire absence de communication, donc manque d’informations. Et ça, c’est grave, ça engendre du mal-être, de la souffrance. Ce livre est aussi une aide face à ce tabou : en tant que parent, grand frère, tante, on peut être gêné de parler de sexualité avec un ou une ado. Dans ce cas, autant lui proposer une ressource qui puisse l’aider et l’accompagner !
Sexualité et plaisir
Ma vision est simple : la sexualité, seul·e ou partagée, procure du plaisir (je précise ici que l’asexualité et donc le fait de ne pas intégrer la sexualité dans sa propre vie est totalement possible, légitime). Puisque la sexualité procure du plaisir, ce serait franchement dommage de s’en priver, non ? Alors d’abord, le premier tabou à briser est celui de la masturbation. Quand on est ado, nous sommes notre premier partenaire sexuel et c’est génial ! Dire aux garçons - mais surtout aux filles, chez qui le sujet est moins abordé - que se masturber est normal, ni honteux ni sale, c’est permettre à tout le monde d’apprendre à se découvrir et à jouir ! Ensuite, en grandissant, le mieux nous sommes éduqués - à notre propre corps et au corps de l’autre - le plus nous pourrons prendre ET donner du plaisir. Ici encore, la notion de “consentement“ est centrale : une sexualité partagée ne peut être conçue sans que tout le monde soit d’accord. Cela étant établi, RIEN n’est sale. RIEN n’est dégradant. TOUT est permis.
Dans la famille tabous, je demande …
Cette histoire de “saleté“ me semble récurrente. J’entends souvent “il paraît qu’il/elle a fait ça, baaah, c’est dégueulasse“ ! Je ne suis pas d’accord. Si les deux partenaires sont d’accord pour faire quelque chose, alors nous n’avons pas à les juger. J’ai le souvenir d’une infirmière scolaire qui disait aux jeunes filles que “la fellation est une pratique dégradante“. C’est grave ! Aucune pratique consentie n’est dégradante. Et dans l’hypothèse où un garçon force une fille à lui faire une fellation, il n’est pas question de dire à cette jeune fille qu’elle a été “dégradée“ ou “humiliée“, mais plutôt de la prendre en charge car elle a été victime de violence sexuelle !
L’éducation des jeunes à la sexualité passera par le consentement et …
Je me répète, mais évidemment, l’éducation doit avant tout passer par le consentement, car il est au cœur de tout. J’aime bien prendre l’image d’un arbre : le consentement est le tronc de la sexualité. Lorsqu’il est respecté, alors on peut faire grandir nos branches et voir pousser plein, plein de feuilles. Mais s’il n’y a pas ce tronc, cette fondation solide et saine, alors il ne peut y avoir de sexualité épanouie. Ensuite, la pornographie est un thème qu’il faut aborder. Il est illusoire de vouloir l’interdire à son ado. De tout temps, les humains ont maté du porno - même si c’était des petits dessins vite faits et pas des vidéos par millions sur le net. L’éducation face au porno est abordée par l’une des mes invitées du livre : Olympe de G. Elle explique comment et pourquoi il est nécessaire de choisir son porno. Il existe du porno où le consentement est respecté, mis en scène de façon sexy, où le plaisir féminin est tout aussi important que le plaisir masculin. Enfin, n’oublions pas le “slutshaming“ - tellement répandu dans les collèges et lycées ! Le slutshaming, c’est pointer du doigt, humilier, harceler une fille à cause de sa sexualité, réelle ou non. Est-ce qu’on dirait à un garçon que “recevoir une fellation est dégradant“ ? Non ! Au contraire ! On lui dirait “ouah, mec, trop stylé, elle t’a sucé !“. Les garçons sont félicités pour leurs exploits - réels ou supposés - alors que les filles voient leur réputation ternie. Ce sexisme, cette violence sexiste doit cesser. Et cela ne passe que par un travail acharné de sensibilisation et de prévention face à ces dangers.
Hum Hum, et si on parlait de sexe ?
Selon moi, notre sexualité en dit long sur nous, sur notre personnalité, nos forces, nos faiblesses et nos peurs, et à plus grande échelle, elle est un indicateur de l’état de la société. M’adresser aux jeunes est quelque chose qui me tient à cœur car ce sont eux qui sont capables de faire évoluer les mentalités et les pratiques. Bien qu’elle évolue tout au long de la vie, notre sexualité est d’abord définie par nos premières expériences… faisons de notre mieux, en tant qu’adultes, pour donner les meilleures bases à nos enfants ! De façon plus “concrète“, j’ai écrit ce livre en essayant de répondre constamment à la question : qu’est-ce que moi j’aurais aimé/eu besoin qu’on me dise quand j’avais 13 ans ?
Pour moi, parler de “sexualité positive“ est un peu comme dire “je suis féministe“ : nous ne devrions pas avoir à le préciser, tout le monde devrait vouloir l’égalité entre les hommes et les femmes, et la sexualité ne devrait pas pouvoir être autre chose que positive. Ma démarche est donc de mettre l’accent sur les notions de plaisir, de liberté et d’amusement ! Attention, j’aborde évidemment les thèmes des IST, de l’IVG, des queerphobies, des violences sexuelles… C’est indispensable ! Mais je souhaitais vraiment offrir à mes jeunes lecteurs et lectrices un livre joyeux, aussi bien dans le fond qu’à travers la forme, pour laquelle l’illustratrice Eugénie Debesse a fait des merveilles de dessins colorés, inclusifs et pleins de bonnes vibes. J’espère de tout cœur qu’il saura accompagner les ados comme ils et elles le méritent !
Hum Hum de Chloé Thibaud chez Webedia est dispo partout sur internet (sur Place des Libraires par exemple) et en librairie !
🗓 RDV le 4 octobre pour une prochaine newsletter !