Il y a quelques temps, des “Girl Boss” ont été épinglées pour avoir pratiqué des méthodes de management plus que douteuses. Ce terme a notamment été popularisé par Sophia Amoruso aux États-Unis il y a quelques années. La Girl Boss était censée s’inscrire en opposition au monde masculin des affaires. Peu de temps après, le mythe de Sophia Amoruso, fondatrice de la marque de vêtements Nasty Gal et de Girl Boss Media, s’effondrait après des accusations de licenciements abusifs (notamment auprès d’employées enceintes), de management toxique, j’en passe et des meilleures. Sophia Amoruso s’est construite toute seule : elle a fondé son empire à partir d’une page de vente de vêtements sur eBay. C’était un véritable role model, un exemple à suivre. Son livre GirlBoss s’est vendu à un demi-million d’exemplaires et une série éponyme est sortie sur Netflix, retraçant l’histoire de la jeune femme. Le succès au féminin… Et c’était censé en inspirer plus d’une. La GirlBoss était censée casser le plafond de verre, le balayer d’un revers de main et nous promettre un avenir professionnel plus radieux, en tant que femmes. Elle était censée nous faciliter la tâche.
Et puis depuis quelques mois, en France, de nombreuses “GirlBoss” ont été elles aussi épinglées. Des femmes dont je suivais le travail avec beaucoup d’intérêt … Notamment parce qu’elles se targuaient d’être féministes. Rebecca Ansellem des Glorieuses, Lauren Bastide de La Poudre, les fondatrices de Louie Media … En réalité, sous une communication pop-féministe, se cachent des techniques de management abusives. Et c’est grave, attention, mais je souhaiterais simplement apporter une certaine nuance.
Ce qui me pose problème dans toutes ces accusations contre ces femmes … C’est qu’on les épingle, notamment parce qu’elles sont des femmes. En fait, des conditions de travail catastrophiques, il y en a partout, et c’est dramatique. Mais on ne part pas du principe qu’un PDG “homme” est mauvais parce que c’est un homme. Alors qu’on en attend beaucoup plus de la part des PDG “femmes”. Puisque ce sont des femmes, elles se doivent d’être parfaites. Alors bien évidemment, faire tout ça sous couvert de féminisme, c’est à vomir. Mais je pense que plutôt que de remettre en cause le mythe de la GirlBoss, il faudrait plutôt se pencher sur le système en lui-même.
D’ailleurs, c’est assez ironique de se dire que fut un temps, les pratiques affreuses d’Anna Wintour par exemple, étaient justifiées et presque excusées … Par son génie mais aussi par cette réalité qui nous rattrape : si on veut réussir dans ce monde de requins, on n’a pas le choix que d’infliger de mauvais traitements à tout va.
Ça fait des années que je travaille dans le milieu militant. J’ai longtemps travaillé avec des petites marques bio / ecofriendly / responsables, j’en passe et des meilleures. Et tout ce que je peux vous en dire, c’est que j’en ai été dégoutée. Je pensais que c’était mieux, dans ce milieu là. Mais c’est loin d’être une évidence. Le système est tel que vous devez produire toujours plus pour survivre. Et ce que vous voulez, c’est la survie de votre entreprise. Quoiqu’il en coûte, la plupart du temps. Je ne mets pas tout le monde dans le même panier. Mais disons que de manière générale, l’écologie a bon dos.
Bref, à mon sens, il faut arrêter de juger les pratiques managériales problématiques en fonction du genre. Punir encore plus quelqu’une parce que c’est une femme alors qu’elle fait exactement la même m*rde qu’un homme, c’est encore une fois le sexisme qui gagne. Souligner que puisque c’est une femme, elle ne devrait pas avoir ce comportement (ben oui quoi, nous on est toutes douces et gentilles normalement non ?), c’est injustifié. Non, c’est le système qui est m*rdique, et attention, je n’excuse personne, à un moment donné, c’est à vous de décider à quel point vous voulez suivre les règles de ce système pourri, et jusqu’où vous pouvez distordre votre sens moral. Il n’y a aucune excuse, mais arrêtons d’en demander toujours plus aux femmes, parce que ce sont des femmes.
Et puis, comme le souligne Lindsay Tjepkema, dans un post partagé sur LinkedIn1 que je trouve très juste …
I'm not a boss babe. I'm not a girl boss. I'm not a "She"EO. I'm not a mom-preneur. I'm the CEO and co-founder of a successful, fast-growing SaaS company and have the honor of leading an incredible team of talented humans.
...And I am a woman.
Can we stop with the cutesy names for women leaders? It doesn't lift us up or help shatter any glass ceilings. Quite the contrary, actually.
Recognizing and encouraging diversity (not just women) in leadership? ABSOLUTELY.
Using cute names for the people in those roles? Let's be done with that.Je ne suis pas une “Boss Babe”. Je ne suis pas une “Girl Boss”. Je ne suis pas une “She"EO. Je ne suis pas une mom-preneur. Je suis la PDG et co-fondatrice d’une entreprise SaaS prospère et en pleine croissance et j’ai l’honneur de diriger une incroyable équipe d’humains talentueux.... Et je suis une femme. Pouvons-nous arrêter avec les noms mignons pour qualifier les femmes entrepreneurs ? Cela ne nous élève pas et n’aide pas à briser les plafonds de verre. Bien au contraire, en fait. Reconnaître et encourager la diversité (pas seulement les femmes) dans le leadership ? ABSOLUMENT. Utiliser des noms mignons pour les personnes dans ces rôles ? Finissons-en avec ça.
Prenez soin de vous ❤️
https://www.linkedin.com/posts/lindsaytjepkema_im-not-a-boss-babe-im-not-a-girl-boss-activity-6763107733404205056-QLj2?utm_source=linkedin_share&utm_medium=member_desktop_web